La biodiversité

, par France Nahum Moatty chocolatez-vous membre

Compte rendu de la dégustation sur la biodiversité, Nadege le 24 avril 23
Nous nous retrouvons une fois de plus pour une dégustation-conférence, sur le thème de la biodiversité.
Nadège nous explique que le cacao est apparu avant l’ère glaciaire et a failli disparaitre après la disparition d’un animal qui s’en nourrissait (et laissait des fèves sur son passage !) lors du réchauffement qui a suivi mais heureusement, les singes et les perroquets déplaçaient des fèves de cacao, il a ainsi survécu…jusqu’à ce que l’homme le découvre puis le cultive.

Qu’est-ce que la biodiversité ? c’est l’ensemble des êtres vivants, les écosystèmes où ils vivent
Depuis 1992, on prend conscience de l’importance de cette diversité qui sont formés par l’oxygène, la nourriture, l’eau, les plantes (qui inspirent des remèdes en médecine).
Nous allons commencer par la dégustation de tablettes de la même origine sur 4 saisons différentes. Les 4 sont originaires de Chanchamayo, un cru de cacao du Pérou que Franck Morin torréfie habituellement, mais cette fois en 2019 ils ont réalisé un essai avec la maison Christian (Strasbourg) qui l’a commercialisé, après torréfaction et transformation des fèves par Morin.
La première que nous découvrons sur la première saison de février à avril 2019, la tablette de couleur brune, le décor un carré sur lequel est écrit cacaoyer. Il est acidulé, fruité, belle richesse aromatique, un peu fumé, très équilibré.
La seconde tablette (mai à juin) est plus pâteuse, un peu plus grasse et a moins de longueur en bouche.
La troisième (juillet août) développe une certaine amertume, elle est aussi plus tanique avec beaucoup plus de puissance que les deux précédentes et pour finir la quatrième saison c’est de septembre à novembre, mais on ressent plus le sucre de canne que précédemment. Cette référence aux quatre saisons nous rappelle les quatre saisons de Vivaldi.

En agriculture, sans pollinisation pas de reproduction ! De ce fait, engrais et pesticides et herbicides génèrent moins de pollinisation car il y a moins d’animaux et appauvrissent les sols. Le cacaoyer pousse entouré d’autres arbres et d’insectes qui déplacent le pollen. La terre est enrichie par ce qui tombe dessus, les plantes vont se régénérer, dans un climat humide. Malheureusement, de nombreux facteurs influent sur la biodiversité et la reproduction des espèces animales : la transformation d’espaces naturels en espaces artificiels, la pollution de l’eau, la surexploitation des ressources, le changement climatique, l’introduction volontaire par l’homme d’espèces exotiques envahissantes (EEE)… l’homme perturbe la biodiversité.
En Amazonie moins de 17 % des forêts primaires ont disparu plus de 80% en Côte d’Ivoire et au Ghana, mais la forêt équatoriale humide risque de devenir savane. En Afrique de l’Ouest 1/3 de la déforestation serait liée à la culture du cacao…avec 40 % de la production ivoirienne issue d’espèces protégées.
Un des défis principaux est le besoin en eau pour 1 kg de cacao, il faudrait 20 000 Litres d’eau comme pour la vanille et le café !
En Afrique de l’Ouest on risque le déclin de la production vers 2030 en raison de températures qui augmentent et de la sécheresse, c’est lié aussi à la mono-culture intensive du cacao. Le Brésil et le Nigeria seraient préservés en termes de culture de cacao.
La biodiversité est exceptionnelle dans les 3 principales forêts primaires que sont l’Amazonie, le bassin du Congo et l’Indonésie. La forêt tropicale primaire peut se régénérer au bout de 20 ans, mais pas les forêts secondaires. 1/3 des forêts primaires est en Amazonie, avec une biodiversité exceptionnelle (4000 végétaux, 1300 oiseaux…) aussi bien en termes de flore que de faune, y compris dans les fleuves. Dans le bassin du Congo, un des animaux en voie de disparition est le paresseux mais dans chacune de ces 3 forêts primaires des espèces végétales et animales sont en péril.
Pour les préserver, l’agroforesterie est indispensable, mais il faut aussi une meilleure utilisation des ressources du cacao et du café, comme les expériences de verger créole à Haïti, avec de multiples cultures vivrières variées composant plusieurs étages de culture permettant de l’ombrage, ou cabruca, un système brésilien qui remplace les plantes des sous-bois par des cacaoyers sans avoir besoin de défricher.
Selon le Cirad, l’Agroforesterie permet même des rendements plus importants 740 kg par hectare au lieu de 240 !
L’agroforesterie permet une pollinisation comme celle des abeilles et des petits moucherons.

Face à ce défi de taille, nous constatons plus de réglementations intergouvernementales et de suivis par des O.N.G. En revanche, peu de labels se targuent d’être investis sur ce point auprès des consommateurs : Rainforest Alliance sont sûrement les plus investis contre la déforestation, bien que d’origine industrielle (logo avec une grenouille).
FSC est uniquement présent aux USA et peu utilisé en agroalimentaire,
Max Havelaar défend la biodiversité en interdisant la déforestation.
Coté marques de chocolats, Ethiquable par son adhésion au label Producteurs Paysans dans les pays producteurs est mobilisé sur ce sujet, mais aussi Alter Eco (engagement de neutralisation Carbone), Weiss et Valrhona.
Revenons à la dégustation. Une tablette d’origine Costa Rica comptoir Cacao (via une offre de Raconte-moi un chocolat), 64 % de cacao, avec un jaguar sur l’emballage. Au nez, il est aromatique, à l’œil., il est brillant couleur aubergine. Il est très apprécié pour son équilibre.,
Suivent 2 tablettes d’origine Pérou de Racine Carrée, une nouvelle chocolaterie Bean to Bar   avec une approche de terroir très poussée. La première petite tablette (60 g) à 67 % de cacao, Alto Huayabamba, pousse sur des sols sablonneux et des alluvions. C’est un hybride Nativo et trinitario  . On passe d’une note boisée, à une certaine amertume et astringence, il est puissant et parfumé, avec un coté fruité.
La seconde de Racine Carrée 72%, se nomme San Jose de Sisa. C’est un Trinitario   qui pousse sur sol argileux. Au nez, il n’a pas d’odeur, en bouche, il est puissant, avec une certaine acidité, astringent, un peu épicé.
Nous dégustons ensuite une tablette Bonnat, parmi les éditions limitées : Kun Bahan du Mexique 75% de cacao, décoré d’une image de puma, en souvenir d’une femelle qui a eu son petit dans cette plantation... il est fruité, boisé on sent le beurre de cacao, assez aromatique, il pousse à côté de mangues, de pamplemousses, et de café.
La tablette suivante provient de l’île de la Réunion : Audaces, chocolat artisanal Bean to bar   issu de fèves Criollo  , 70 % de cacao est de couleur très claire comme s’il était au lait ! il y a des lettres comme des graffitis sur l’emballage. Au nez il est très surprenant et intéressant, un peu terreux, sa texture est fondante…
La tablette suivante, vient d’un Cacao d’Ouganda à 70 % de Azura Chocolat, un Bean to Bar   torréfié et transformé à Londres !), il est assez cassant et sec au début mais quand il fond, il est assez élégant avec une note de caramel toffee et en fin de bouche une pointe de sel.
Puis vient une autre tablette d’Ouganda, de chez la Baleine à Cabosse 70% également. La tablette a un décor en forme de vagues. A l’œil il est très foncé, et au nez, il est beaucoup plus puissant que le précédent.
Nous passons ensuite à un grand cru de Côte d’Ivoire 80 % d’Azague Nkoh Ambroise. La tablette est très petite. A l’œil le cacao très foncé aussi. Au nez, il est intense avec des notes de café mais nous percevons comme un défaut, a-t-il été trop torréfié ou eu un problème de conservation ? Il est décevant par rapport à son prix de meilleur chocolat du monde il y a quelques années.
Nous retrouvons Audaces, de l’Ile de la Réunion, avec une tablette blanche, primée au Chocolat Awards européen en 2021 2022 en Silver. Il est parfumé avec les feuilles d’une sorte d’orchidée endémique de la Réunion, le Faham. Il est intéressant et peu sucré, très aromatique, une belle découverte pour une tablette de chocolat blanc !
Nous revenons sur un Bean to bar   de Madagascar à 65 %. avec Nibs Salt et des morceaux de baobab, un chocolat fruité salé très original avec un goût d’ananas, certains le trouvent très agréable.
La tablette suivante, Big Mango à la mangue, origine Équateur Kamm 85% de cacao et sans sucre, remplacé par de l’édulcorant. Il est désagréable, avec un côté « arôme artificiel » et arrière-goût !
La dégustation arrive à sa fin, nous dégustons un bonbon de l’atelier C, une ganache chocolat vanille avec un chocolat de couverture et vanille de chez Robert. A l’œil il est très gros et porte en décor Atelier C, avec à l’arrière des stries esthétiques. Il est trop gros en bouche, pas fluide on a plus l’impression d’une truffe que d’une ganache. La couverture est épaisse, un chocolat assez rustique bien que peu sucré.
Pour continuer nous dégustons une ganache au miel de pin des forêts de Lorraine de chez Cluizel, la fluidité de la ganache vient du miel. Il est floral, pas trop sucré, bien équilibré et réalisé avec de la crème de Normandie.
Avant de conclure, nous finissons sur une pâte à tartiner de Papa outang
Elle est très foncée, réalisée avec du sucre complet, de la noisette rapée (32%), de l’avoine et du cacao bio. Elle n’a pas du tout la texture d’une pâte à tartiner habituelle car émulsionnée à l’eau, se conserve 3 semaines au frigo. D’ailleurs Papa Outang vend des recharges à réaliser soi-même. Et pour information Nadège souligne qu’un pot équivaut à 1 m2 de forêt tropicale sauvée !
Un grand merci à Nadège, qui a su rendre ce sujet très intéressant et capter toute notre at